Des bactéries qui ont du poids
Cécile Dumas, Sciences et Avenir.com (20/12/06)
Les bactéries qui peuplent nos intestins sont indispensables à la digestion. Ont-elles une influence décisive sur notre prise de poids ? C’est ce que suggèrent les travaux de Jeffrey Gordon et de son équipe publiés par la revue Nature du 21 décembre. Ces chercheurs observent des différences notables entre la flore intestinale de personnes minces et de personnes obèses. Chez ces dernières, les bactéries extrairaient avec plus d’efficacité le sucre des aliments, favorisant la prise de poids de leur hôte.
Parmi les millions de bactéries qui tapissent nos intestins, il existe deux grandes familles, les Bacteroidetes et les Firmicutes. Chez les personnes obèses, la proportion de Bacteroidetes est plus faible que chez les personnes minces, relèvent Gordon et ses collègues, qui ont suivi pendant une année l’évolution de la population microbienne intestinale de plusieurs volontaires. Lorsque les obèses perdent du poids, la proportion entre les deux groupes de bactéries se rééquilibre, notent les chercheurs.
Pour vérifier que les variations de la flore intestinale étaient la cause et non la conséquence de la prise de poids, l’équipe de Gordon a mené plusieurs expériences sur des souris. Les chercheurs ont notamment transplanté le microbiote des souris obèses chez des souris minces. Celles-ci se sont mises à grossir.
Le microbiote des souris obèses est riche en enzymes qui cassent des molécules de sucres, des polysaccharides, normalement indigestes pour l’intestin humain, expliquent les chercheurs. Ces bactéries permettent donc d’obtenir plus de calories à partir d’une même quantité d’aliments ingérés.
Jeffrey Gordon (Washington University School of Medicine, St Louis, USA) avait déjà montré chez la souris que la bactérie intestinale Methanobrevibacter smithii augmentait l’appétit de l’organisme pour un certain type de polysaccharides et favorisait la prise de poids. (PNAS, 13 juin 2006).
D’après ces travaux, la flore intestinale expliquerait pourquoi certains individus prennent plus de poids que d’autres, avec une même alimentation. Pour autant, beaucoup de questions demeurent sur le rôle exact joué par le microbiote. Les variations de poids relevées par Gordon et son équipe ne sont pas spectaculaires, soulignent Randy Seeley et Matej Bajzer, de l’Université de Cincinnati, qui commentent ces travaux dans Nature. Avant d’envisager de remédier à l’obésité en modifiant la flore intestinale, il sera nécessaire de mieux connaître son influence et les mécanismes qui la régulent.