Alimentation et cerveau : combattre les maladies mentales et neurologiques par le régime alimentaire
(Tiré d'un diaporama sur le site Medscape france du 28 janvier 2013)
Auteur
Dr Bret S. Stetka, Editorial Director, Medscape From WebMD
Reviseurs
Dr Michael T. Compton, Professeur de psychiatrie et sciences du comportement, The George Washington University School of Medicine and Health Sciences, Washington, DC, É.-U. (pas de liens d'intérêt financier à déclarer)
Felice N. Jacka, professeur, Barwon Psychiatric Research Unit, Deakin University, Geelong, Australie (pas de liens d'intérêt financier à déclarer)
Traduction
Dr Andrée Nisard, gastro-entérologue
Ce diaporama a été initialement publié en anglais sur Medscape.com en février 2012.
Quels sont les meilleurs aliments pour le cerveau ?
On connaît la relation étroite qui existe entre l'alimentation et les maladies cardiaques, l'obésité et le diabète. Ce que nous consommons pourrait également avoir des conséquences sur le cerveau : une alimentation mauvaise pour la santé pourrait augmenter le risque de maladies psychiatriques et neurologiques telles que dépression et démence, alors que des aliments bons pour la santé pourraient en protéger. Le diaporama suivant résume les travaux les plus importants sur l'alimentation et le cerveau, et donne des pistes pour conseiller vos patients.
S'orienter vers Malte pour la dépression, l'accident vasculaire cérébral et la démence
Une étude publiée en 2009 dans Archives of General Psychiatry a montré que le risque d'avoir une dépression pouvait être diminué jusqu'à 30 % chez les gens qui suivent un régime méditerranéen, c'est-à-dire, riche en fruits, légumes, noix, céréales complètes, poisson et graisses non saturées (retrouvées dans l'huile d'olive et autres huiles végétales) par rapport à ceux qui consomment plus de viande et de produits laitiers. [1] Le risque d'avoir un accident ischémique cérébral[2, 3] et de développer un trouble cognitif ou une maladie d'Alzheimer est diminué chez les consommateurs d'huile d'olive, surtout s'ils s'engagent dans une activité physique de haut niveau.[4, 5]
Les graisses : le bon et le mauvais
Une étude espagnole [6, 7] a montré que la consommation à la fois d'acides gras polyinsaturés (trouvés dans les noix, les graines, le poisson et les légumes verts à feuilles) et d'acides gras mono-insaturés (présents dans l'huile d'olive, l'avocat et les noix) diminue le risque de dépression au fil du temps. Cependant, il existe une relation dose-réponse nette entre la consommation d'acides gras trans et le risque de dépression ; d'autres travaux sont en faveur de la relation entre consommation d'acides gras trans et risque d'accident ischémique cérébral.[8] Les acides gras trans sont retrouvés essentiellement dans les aliments industriels (transformés), y compris dans de nombreux chocolats du commerce (il faut, par conséquent, vérifier l'étiquette du chocolat de la diapositive ci-jointe). Une relation a été trouvée entre déficit en acides gras polyinsaturés et la baisse de l'attention - syndrome d'hyperactivité de l'enfant.[9]
L'huile de poisson contre la psychose
Grace à son taux élevé en acides gras polyinsaturés, à savoir les acides gras omega-3, le poisson peut aider à éviter de nombreuses maladies du cerveau. En 2010 une étude a montré que la consommation de poisson était corrélée à une diminution du risque de symptômes de psychose ; [10] une autre étude a suggéré que l'huile de poisson pouvait prévenir l'apparition d'une psychose chez des sujets à haut risque.[11] Bien qu'il existe des études contradictoires, de nouveaux travaux ont montré que les acides gras omega-3, l'acide eicosapentaenoïque et l'acide docosahexaenoïque, avaient un effet bénéfique dans, respectivement, la dépression et la dépression du post-partum ; d'autres études suggèrent qu'un déficit en omega-3 serait un facteur de risque de suicide.[12-16] Les poissons gras d'eau froide tels que le saumon, le hareng et le maquereau sont les plus riches en omega-3.
Des baies contre le stress oxydatif
Les polyphénols, à savoir les anthocyanines, trouvés dans les baies et autres fruits ou légumes ayant un pigment foncé, peuvent ralentir la progression du déclin des fonctions cognitives du fait de leurs propriétés antioxydantes et antiinflammatoires. Une étude réalisée sur des rats en 2010 a montré qu'un régime riche en extraits de fraise, myrtilles ou mûres conduisait à une « régression des déficits liés à l'âge portant sur les fonctions nerveuses et le comportement, incluant les fonctions d'apprentissage et la mémoire ».[17]La même équipe a montré sur des études in vitro que des extraits de baies de fraise, myrtilles et acaï, encore qu'elles étaient à de très fortes concentrations, pouvaient induire des mécanismes d'autophagie qui permettent d'éliminer les déchets cellulaires telles que des protéines liées au déclins des fonctions mentales et la perte de mémoire.[18] Les anthocyanines des baies permettent également la réduction du risque cardiovasculaire en diminuant le stress oxydatif et en atténuant l'expression de gènes de l'inflammation.[19]
Une alimentation « complète » : faire une place à la viande rouge ?
Selon une étude publiée en 2010, une alimentation dite « complète », riche en fruits, légumes, céréales complètes, viandes et poissons de qualité supérieure, réduit de 30 % le risque de survenue de dépression et d'anxiété par rapport au « régime occidental » riche en aliments transformés et graisses saturées.[20] La viande rouge non transformée semble même protéger de la dépression et de l'anxiété, [20] ce qui est en contradiction avec de nombreuses études qui mettent souvent la viande rouge dans la catégorie des aliments « mauvais pour la santé ». Le Dr Felice Jacka, lors d'un entretien avec Medscape News, a particulièrement insisté sur l'importance des pratiques agricoles : malgré la montée du mouvement locavore (consommation de produits locaux) aux États-Unis, la majorité du bétail américain grandit encore dans des parcs d'engraissement industriels, ce qui « augmente les graisses saturées et diminue de façon très importante les bons acides gras? les animaux qui grandissent dans les pâturages ont un profil en acide gras bien meilleur ». Un régime « complet » peut également réduire le risque de dépression comme l'a montré une étude de suivi sur 5 ans.[22]
L'alcool : toujours avec modération
Les grecs ont prôné « le rien en excès », un refrain qui sonne toujours vrai : une consommation basse à modérée* a été corrélée à de nombreux effets physiologiques potentiellement bénéfiques sur le profil du cholestérol, sur la fonction plaquettaire et la coagulation, sur la sensibilité de l'insuline.[23] Selon une récente méta-analyse, une consommation limitée d'alcool induirait une diminution du risque de l'ensemble des démences et de la maladie d'Alzheimer,[24] résultat confirmé par une étude en 2011 portant sur des patients allemands consultant en soins primaires.[23] Une consommation modérée d'alcool peut protéger des maladies vasculaires cérébrales, le vin ayant potentiellement un effet bénéfique du fait de la présence de composants polyphénoliques antioxydants (comme le resvératrol).[25,27] Cependant le coût pour la santé de la consommation d'alcool au-delà de basse ou modérée peut rapidement l'emporter sur les bénéfices pour le cerveau car une consommation prolongée et importante d'alcool peut conduire à la toxicomanie et à la dépendance, altérer la mémoire, favoriser l'apparition de maladies neuro-dégénératives et détériorer le fonctionnement psychosocial.
*La Food and Drug administration américaine définit comme « consommation modérée » d'alcool une consommation inférieure ou égale à une boisson par jour pour les femmes et 2 pour les hommes. Une boisson est équivalente à 36 cl de bière régulière, 15 cl de vin à 12 % et 4,5 cl d'alcools distillés.
Boissons stimulantes : le café contre la dépression et les accidents vasculaires cérébraux (AVC)
Le stimulant le plus consommé dans le monde ferait plus que juste nous réveiller : en 2011, une métaanalyse [28] a montré que la consommation de 1 à 6 tasses de café par jour réduisait de 17 % le risque d'AVC. Bien qu'augmentant la tension artérielle, les graines de café contiennent des composés antioxydants qui réduisent l'oxydation des lipoprotéines de basse densité (LDL) transportant le cholestérol ; la consommation de café est également corrélée à une augmentation de la sensibilité de l'insuline et une réduction des marqueurs de l'inflammation.[29] Une autre étude publiée en 2011[30] a montré que les femmes qui buvaient 2 à 3 tasses de café par jour réduisaient de 15 % le risque de dépression par rapport à celles qui buvaient moins d'une tasse de café par semaine. Une diminution du risque de 20 % est observée chez celles qui boivent 4 tasses ou plus. L'effet à court terme du café sur l'humeur pourrait être lié à une altération de l'activité de la sérotonine et de la dopamine alors que les mécanismes sur les effets potentiels à long terme sur l'humeur pourraient être liés à ses propriétés antioxydantes et antiinflammatoires, ces deux facteurs pouvant jouer un rôle dans la dépression.[29-32]
Chocolat – et encore plus d'antioxydants
Le chocolat -- noir de préférence -- semble aider à l'élimination des radicaux libres et à l'amélioration des fonctions endothéliale et plaquettaire probablement par l'intermédiaire des flavonoïdes (comme la catéchine), groupe de polyphénols dérivés des plantes.[33] En 2010, une étude de cohorte publiée dans l'European Heart Journal a montré que la consommation de 6 g de chocolat par jour (une barre de 43 g de chocolat standard Hershey) était corrélée à une baisse de 39 % du risque combiné d'infarctus du myocarde et d'AVC chez l'adulte,[34] tandis qu'à partir des données d'une cohorte suédoise sur la mammographie on a mis en évidence une réduction de 20 % du risque d'AVC chez les femmes qui consommaient régulièrement du chocolat.[35] Bien que le chocolat ait été associé à une influence positive sur l'humeur, probablement par l'intermédiaire des systèmes dopamine et opioïde, une revue générale de Parker et coll[36] ne confirme pas ces bénéfices, son ingestion pour obtenir un « confort » émotionnel contribuerait, en fait, à maintenir l'humeur dépressive.
Les graisses saturées et les sucres raffinés ont des effets hautement néfastes sur le système immunitaire, le stress oxydatif et les neurotrophines, tous facteurs connus pour jouer un rôle dans la dépression. Le travail de Akbaraly et coll. cité précédemment[22] a montré qu'un régime riche en produits laitiers à forte teneur en graisses, en aliments frits, raffinés et sucrés augmentaient de façon significative le risque de dépression. Des résultats similaires ont été observés dans une étude espagnole,[7] montrant que des aliments comme les pizzas, les hamburgers, augmentaient le risque de dépression au fil du temps ; dans une autre étude, les femmes ayant un régime riche en aliments transformés ont plus souvent des dépressions ou des troubles majeurs de l'humeur.[17] Des recherches en 2011[37] ont pour la première fois montré que la qualité de l'alimentation des adolescents était corrélée à la santé mentale : il y avait une relation entre les aliments bons pour la santé et la réduction des troubles mentaux, et entre des aliments mauvais pour la santé et l'augmentation des troubles mentaux au fil du temps. Il est connu depuis longtemps qu'une alimentation trop salée augmente la pression artérielle et le risque d'AVC[38,39] ; cependant une étude récente a montré qu'il existait également une relation entre des apports riches en sel et l'apparition de troubles cognitifs, comme avec les aliments riches en graisses trans ou saturées.[40,41]
Liens
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Références