Quel rôle joue le microbiote dans la prise de poids ?

Par Priscille Tremblais Publié le 11/08/2020 (La Nutrition.fr)

 probiotiques poids

Les bactéries intestinales nous poussent-elles à trop manger ? Peuvent-elles influencer aussi l’absorption des sucres et la production de graisse ? Les liens entre microbiote intestinal et surpoids sont de mieux en mieux connus. Et les moyens d’action aussi. Détails.

« Le microbiote des personnes qui ont des kilos en trop est perturbé dans son équilibre et sa diversité. On a longtemps pensé qu’en réduisant l’apport calorique et en augmentant les dépenses physiques, tout problème de poids pouvait rentrer dans l’ordre. Si c’était si simple, il y aurait moins de personnes en surpoids ! » explique le Dr Cotinat dans Maigrir de plaisir en charmant ses bactéries

Comme cette gastro-entérologue, de nombreux chercheurs se tourne vers le microbiote intestinal pour mieux comprendre – et traiter – l’épidémie de surpoids et d’obésité qui touche actuellement les pays occidentaux. Car le mode de vie, en cause dans le surpoids avec des facteurs environnementaux et hormonaux, contribue à modifier le microbiote, pour le meilleur comme pour le pire.

 

Les liens entre microbiote et surpoids

La composition du microbiote semble influer directement sur le poids mais les liens entre microbiote et surpoids commencent juste à être élucidés.

Les premières études – réalisées sur des souris dépourvues de microbiote et de microbes et naturellement plus minces que les autres – indiquaient que ces souris se mettaient à grossir, à prendre du gras surtout, à produire plus de triglycérides au niveau du foie, à absorber plus de sucres simples au niveau intestinal… dès qu’on leur greffait le microbiote de souris normales.
Des recherches importantes sur l’animal et l’humain ont ensuite révélé que la population bactérienne de l’intestin influence les apports caloriques, l’absorption des nutriments par l’intestin, l’équilibre énergétique et que tous ces facteurs sont transmissibles par transplantation du microbiote. Encore plus récemment, il a été observé que la diversité des espèces bactériennes n’était pas la même chez les personnes obèses que chez les minces : ces dernières présentaient plus d’espèces de Bacteroidetes par rapport aux Firmicutes que les personnes en surpoids.

Les bactéries de l'intestin produisent aussi des composés, comme les acides gras à chaîne courte ou les acides gras conjugués, qui ont des effets indirects sur le métabolisme et la régulation de l'appétit et de la prise alimentaire, via ce qu'on appelle « l'axe intestin-cerveau ». L'acétate, le principal acide gras à chaîne courte produit par les bactéries intestinales coupe l'appétit directement via l'hypothalamus (une zone du cerveau). Cependant une augmentation de la concentration d'acétate liée à un déséquilibre du microbiote entraîne l'activation du système nerveux parasympathique et promeut ainsi la sécrétion d'insuline en réponse au glucose, et celle de la ghréline, une hormone qui stimule l'appétit. L'axe intestin-cerveau est donc complexe, d'autant qu'il fonctionne dans les deux sens (de l'intestin au cerveau et inversement).

Cette communication intestin-cerveau est permise par différentes fibres nerveuses, dont le nerf vague. Le rôle central de ce dernier dans la communication des signaux liés à l'appétit a été mis en évidence par des études sur des animaux. Lorsque ce nerf était coupé, les animaux présentaient une baisse d'une hormone anorexigène provoquant une augmentation de la prise alimentaire et une prise de poids. Chez les humains, les études sont cependant plus contradictoires et les mécanismes expliquant le rôle du nerf vague sur les comportements alimentaires restent mal connus. Pour le Dr Navaz Habib, auteur du livre Activez votre nerf vague c’est toutefois assez clair : « Une fois que l’on a compris que les fringales liées aux aliments qu’exigent nos bactéries intestinales sont en réalité des signaux relayés par le nerf vague à travers le système sanguin, il devient possible de reprendre la main et de modifier notre alimentation pour obtenir un effet bénéfique, non seulement sur notre microbiote, mais aussi sur notre santé globale. »

Le microbiote intestinal pourrait aussi influencer le comportement alimentaire par une action sur l'humeur et les signaux de récompense émis par le cerveau, action médiée notamment par le nerf vague. Une étude par imagerie chez l'humain a ainsi trouvé qu'une augmentation dans le côlon de la quantité de propionate – un des principaux acides gras à chaîne courte produits par le microbiote – réduit les signaux de récompense induits dans le cerveau par la consommation d'aliments caloriques.

 

Faut-il prendre des pré ou probiotiques pour perdre du poids ?

La prise d’antibiotiques, de probiotiques, de prébiotiques et de symbiotiques (mélanges de pré- et probiotiques) permettant de changer la composition du microbiote, utiliser pré- et probiotiques en traitement du surpoids semble a priori intéressant. Et les études cliniques menées avec ces compléments alimentaires indiquent en effet qu’ils favorisent – modestement – la perte de poids. Les souches bactériennes qui semblent avoir un effet minceur sont les bifidobactéries et les lactobacilles. Plus récemment, les scientifiques ont aussi mis en évidence le rôle de la bactérie Akkermansia muciniphila pour rééquilibrer divers paramètres métaboliques malmenés par une alimentation riche en graisse, comme le gain de masse grasse, la résistance à l'insuline ou l'inflammation des tissus adipeux.

Cependant, prendre des probiotiques sans changer aussi d’alimentation n’aura que peu ou pas d’effet. Consommer plus de fibres (prébiotiques) pour nourrir les bonnes bactéries intestinales est vraiment crucial pour un microbiote équilibré et bien diversifié. Certaines études combinent ainsi l'apport en probiotiques avec la prise de prébiotiques, mais leurs résultats et leur hétérogénéité ne permettent pas de conclure.

 

Comment agir pour charmer ses bactéries et mincir

L’alimentation

La composition du microbiote intestinal est déterminée par la génétique, l’âge et divers paramètres externes comme des facteurs environnementaux, l’activité physique et l’alimentation. Le facteur le plus déterminant reste tout de même l’alimentation et on sait que les habitudes alimentaires influencent à long terme la composition du microbiote. L’alimentation occidentale riche en glucides raffinés et pauvre en fibres a ainsi probablement réduit la diversité du microbiote au fil des générations. En revanche, les populations ayant gardé leur alimentation traditionnelle, riche en fibres, pauvre en sucre et en graisse, présentent des microbiotes bien plus diversifiés.

Les grands principes à suivre pour un microbiote plus diversifié :

  • Limiter fortement voire supprimer les aliments ultra-transformés. Pour vous aider, suivez nos conseils.
  • Supprimer les glucides raffinés et les pommes de terre : sucreries, viennoiseries, pain blanc, gâteaux, céréales blanches (préférer les semi-complètes ou complètes)...
  • Augmenter sa consommation de fibres et de végétaux : les végétaux doivent représenter les ¾ de l’assiette, les légumineuses être invitées plus souvent dans l’assiette et les céréales (et leur dérivés) doivent être consommées semi-complètes ou complètes. Noix et graines sont importantes également.
  • Consommer régulièrement des aliments riches en polyphénols. Ces antioxydants sont connus pour augmenter dans l'intestin la proportion de bonnes bactéries comme Akkermansia, les lactobacilles ou encore les bifidobactéries tout en diminuant les bactéries du genre Clostridium (qui en excès provoquent des infections).
  • Mettre au menu régulièrement des aliments naturellement riches en probiotiques : légumes lactofermentés,kéfirkombucha

L’activation du nerf vague

En complément de l’alimentation, activer son nerf vague peut être utile pour rééquilibrer son microbiote et s'assurer que l'axe intestin-cerveau fonctionne correctement. Toute activité qui relaxe – méditation, cohérence cardiaque, yoga, respiration profonde par exemple – est associée à une activité accrue du nerf vague. Mais des moyens plus étonnants comme la douche froide et les gargarismes peuvent aussi aider à stimuler ce nerf. Retrouvez plus de façons de s'assurer de la bonne activation de ce nerf essentiel dans Activez votre nerf vague du Dr Habib.

 

N'oublions pas que d'autres facteurs du mode de vie influent sur la prise de poids : stress chronique, mauvais sommeil, polluants de l'environnement, sédentarité, etc.

Si l'alimentation reste le premier levier pour modifier le microbiote et mincir, il faut avoir une action complète sur le mode de vie, en s'attaquant aux facteurs les plus problématiques pour soi, afin d'obtenir des résultats pérennes.